4.14.2013

Pierre Flynn: Letero el Veneci' (Lettre de Venise)

Ĝis mia rifuĝo eĥas nigraj voĉoj
Padov’, Sien’, Triest’… Jen alvenas trajnoj
Ju pli daŭras vojaĝ’, des pli foras ĉio
Novembra Veneci’, ekfalontas pluvo

Kuŝita senmove, vidas mi la nokton
Renversiĝi lante en senfinan maron
Momente forgesas mi kiu mi estas
Endas iri manĝi, kore de la amas’

La larĝa fenestro iam malfermeblis
Vesthoko, lama seĝ’, lavabo kaj tablo
Sur kies surfacon oni iam ĉizis
Freedom, No Compromise per tranĉila pinto

De sur lia gvatej’ forflugis la Leon’
Antaŭ mia spegul’, mi ĝuas muzikon
Summertime kaj Misty ellasas triopo
Dancas aŭtuna par’ sola sur la placo

Apud la Rialto, eleganta viro
Kriegaĉas: Libero! Sono libero!
Ekzil’ aŭ eksedziĝ’? Li ebrie festas
Sola kiel hero’, sola li foriras

Ĉiuj enlitiĝis. Disas promenantoj
Ĉirkaŭ lumoj flirtas homaj papilioj
En trinkejo horloĝ’ strangaĵon elmontras
Horoj de mia viv’ kontraŭflue taktas

Deziroj, skandaloj, karnavalfantomoj
Virino aŭdigas ridegon kurante
Mi tremetas kiam ŝi pasas proksime
Nuda kaj kruela sub masko kaj plumoj

Torcello, Murano, insula vagado,
Strangas kaj belegas la lagunĉielo
Por vi mi aĉetis maskon el Burano
Mense vi metas ĝin, sur via frunt’ – luno!

Nur ke vi vidu ĝin, la maran bulvardon
La vastan grizaĵon en kiu perdi sin
Nebuliĝas la mens’, agitante l’ ondon
La sirenreĝino al si altiras nin

Sub la pluvo mi serĉis vin
Pere de telefonistin’
Tro da tristo, da distanco
Vanis vortoj de konsolo

Mi renkontis ulon, kune ni babilis
Anglo amarvorta, li malŝatis l’ urbon,
Five years is quite enough! maldolĉe li ĵetis
Nesciante kiel eskapi l’ kaptilon

Kio restos al mi? ĉar baldaŭ decembras
Kelkaj momenteroj da fuĝa ĝojeto
Ĉio en la valiz’ en la ĉambr’ atendas
Freedom, No Compromise! defias la tablo

Plia ŝtorma vesper’ por lasta turneo
Kial feliĉas mi sur la vaporeto?
Ĉion revidu mi. Pontojn kaj kanalojn
L’Arsenal’, la Lagun’… stelpleniĝas la voj’

Veneci’ perfidas, l’ averto sensencis
Evitu ŝablonojn, sed for mi estis jam
En la grizan lumon mia rigard’ fuĝis
El ekster la mondo, pacon al mia am’–
De ma chambre au cinquième j'entends des voix funestes
C'est l'annonce des trains: Padoue, Sienne, Trieste
Plus ce voyage dure plus je suis loin de tout
À Venise en novembre pluie du soir tout à coup

Sur le lit sans bouger je regarde la nuit
Chavirer lentement comme un bateau qui coule
Pendant quelques instants je ne sais plus qui je suis
Il faut aller manger puis marcher dans la foule

Ma fenêtre est très grande, ce lit un peu petit
Patère, lavabo, placard gris, chaise instable
Quel passant avant moi, qui a écrit ceci:
Freedom no compromise! au couteau sur la table?

Du haut de sa colonne le Lion est parti
J'écoute le trio assis devant ma glace
Ils jouent vêtus de noir Summertime et Misty
Les couples de l'automne dansent sur la place

Près du pont Rialto un homme bien vêtu
Hurle à la nuit Libero! Sono libero!
Exilé? Divorcé? il est ivre et têtu
Libre et seul il s'en va comme vont les héros

Ils dorment tous déjà. Les promeneurs se font rares
Quelques lueurs là-bas, quelques papillons autour
Quelque chose d'étrange à l'horloge du bar
Comme s'écoule ma vie, elle dit l'heure à rebours

Crimes, désirs, scandales, esprits de carnaval
Cette femme qui rit et s'envole aussitôt
Je la sens près de moi; elle franchit le canal
Nue et cruelle sous le masque et le manteau

Je saute d'île en île – Torcello, Murano
Si étrange et si beau le ciel de la lagune
J'ai acheté pour toi un masque à Burano
Le mets sur ton visage, sur ton front, c'est la lune!

J'aimerais que tu le voies ce boulevard sur la mer
Cette étendue de gris on s'éteindrait dedans
Ça nous voile la tête nous engourdit les nerfs
Ça nous prend, ça nous tire, ça arrête le temps

J'ai rejoint la téléphoniste
La pluie me tombait sur le dos
J'étais trop loin; tu étais trop triste
Je n'ai pas su trouver les mots

J'ai rencontré un type nous avons bavardé
Il détestait l'endroit cet Englishman amer
Five years is quite enough! disait-il emmerdé
Mais pour quitter son piège il ne savait que faire

Que me restera-t-il? car c'est bientôt décembre
Quelques petits moments de joies insaisissables
Tout est dans la valise dans la petite chambre
Freedom! No compromise! me crie toujours la table

Encore un soir d'orage et je fais le grand tour
Dans ce vaporetto pourquoi suis-je joyeux?
Je veux tout voir encore de Saint-Marc aux faubourgs
L'Arsenal, la lagune… tout brille dans mes yeux

Méfiez-vous de Venise! Ils m'ont bien averti
Attention aux clichés! mais je n'écoutais plus
J'ai le regard enfoui dans la lumière grise
Seul hors du monde – À mon aimée tendre salut!

Tradukis: Stéphane Brault
Originalmuziko

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